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Les Haïtiens en Guyane

De l’immigration à la stigmatisation des immigrés haïtiens en Guyane

samedi 10 novembre 2007

L’arrivée des immigrés Haïtiens a débuté en Guyane, dans les années 1970, et s’est ensuite développée dans les années 1980 (Calmont, Gorgeon, 1987 ; Gorgeon, 1985). Cette population au départ, composées d’une main-d’œuvre masculine venue travailler en Guyane, au moment des « grands chantiers », s’est rapidement féminisée (Chalifoux, 1989 ; Calmont, 1988). Puis, avec la politique du regroupement familial, de jeunes Haïtiens sont également venus retrouver un parent et se scolariser en Guyane. Cette politique a permis aux familles haïtiennes de s’installer durablement et à la migration haïtienne de se stabiliser, mais elle a aussi eu pour effet, d’accroître la visibilité sociale et démographique d’une communauté jusqu’alors plutôt discrète (Gorgeon et al., 1986). Après avoir développé des procédures de régularisation des immigrés clandestins dans les années 1980, les pouvoirs publics ont fait le choix dans les années 1990, de refouler systématiquement les « nouveaux arrivants ». Si l’entrée illégale sur le territoire français des immigrés Haïtiens se poursuit encore aujourd’hui, l’Etat a intensifié les contrôles aux frontières et consolidé son dispositif en augmentant les effectifs de l’armée, de la police et de la gendarmerie. Il n’a toutefois pas réussi à maîtriser une situation géographique « poreuse » liée à un contexte social et économique particulièrement attractif, notamment pour les populations des pays voisins.

Dans les années 1990, la part des Haïtiens reste assez importante par rapport à l’ensemble des populations immigrées en Guyane, une comparaison entre le département de la Guyane et la France métropolitaine montre cependant que ces deux « diasporas » possèdent un certain nombre de points communs. Les Haïtiens se concentrent en effet, dans les grandes villes : Paris et l’Ile-de-france pour la Métropole ; Kourou, Saint-Laurent du Maroni et l’île de Cayenne (Cayenne et sa communauté urbaine) pour la Guyane. Les membres de ces deux communautés sont majoritairement originaires de Port-au-Prince et du Sud d’Haïti. Enfin, la population haïtienne résidant en Guyane est estimée, comme en Métropole, à plus de 25 000 individus (Delachet-Guillon, 1996). La comparaison s’arrête là, car « la classe moyenne » haïtienne est très faiblement représentée en Guyane, contrairement à la Métropole ou d’autres pays d’émigration comme le Canada et les Etats-Unis. La majorité des immigrés Haïtiens de Guyane, sont analphabètes ou illettrés, travaillent en majorité dans le secteur informel occupant un grand nombre d’emplois non déclarés, et résident pour la plupart dans des bidonvilles (Gallibour, 2000).

Au fur et à mesure que se développait l’immigration en Guyane dans les années 1980-90, les Haïtiens ont été désignés à plusieurs reprises, comme les responsables des problèmes socioéconomiques que rencontraient ce département (Chérubini, 1985 ; Gorgeon, 1986). Il faut dire que la Guyane a connu au cours de cette décennie plusieurs crises économiques touchant successivement tous ses secteurs d’activités. La plupart des Haïtiens (généralement employés dans les communes de l’intérieur comme travailleurs agricoles ou forestiers, occupant dans les villes, des emplois de manœuvres dans les micro-entreprises, les commerces alimentaires, les garages ou les restaurants, le bâtiment ou les travaux publics), se sont retrouvés au chômage et leurs conditions de vies se sont rapidement dégradées. Les contrôles administratifs s’intensifiant, les emplois de domestique, de jardinier ou d’homme à tout faire, qu’ils occupaient chez les particuliers, se sont raréfiés. Assujetties aux bonnes dispositions de leurs employeurs, les conditions de travail de ces jobeurs sont devenues de plus en plus précaires. Si pour certains Haïtiens, leur situation officielle sur le territoire dépendait de la régularisation de ces emplois non déclarés, d’autres étaient susceptibles de bénéficier de prestations sociales.

Le R.M.I. et les allocations familiales ont ainsi été perçus par un nombre de plus en plus important de familles haïtiennes. Une situation qui a contribué à stigmatiser cette population en la rendant responsable des déficits publics (Gallibour, 1996). La plupart des Haïtiens sans emploi, ont développé la culture des abattis ou se sont regroupés, pour acheter des produits au Surinam ou au Brésil, qu’ils revendaient au détail sur les marchés locaux.

Mais la généralisation de la culture des abattis, autour de l’île de Cayenne, aura pour effet d’accroître le déboisement des collines et les risques d’érosion des sols, tandis que la revente de produits illégalement importés fera l’objet de contrôles de plus en plus drastiques par les services douaniers. Les immigrés Haïtiens seront alors présentés dans les médias locaux, comme les responsables des problèmes écologiques de la Guyane et accusés de faire de la concurrence déloyale aux commerçants et aux importateurs guyanais ! (Gallibour, 1996). Mais c’est surtout l’apparition du sida en Guyane, qui va contribuer dans les années 1980-90, à renforcer les processus de stigmatisation dont sont l’objet les immigrés Haïtiens dans la société guyanaise. En effet, la diffusion en Guyane, de théories médicales désignant les Haïtiens comme des propagateurs du sida, va contribuer à les rendre responsables de l’expansion de l’épidémie dans ce département (Gallibour, 2000) . La disparition récente des grandes maladies infectieuses, encore présente dans la mémoire collective de la société guyanaise, a pu également contribuer à entretenir des réflexes de peurs engendrées par la contagion, favorisant ainsi les dérives xénophobes et les processus d’étiquetage, autour de l’épidémie du sida . D’un autre côté, si le sida, à un moment donné, a fait des immigrés Haïtiens de véritables bouc-émissaires en Guyane, ces processus de stigmatisation ont surtout été révélateurs, du faible degré d’acceptation social de cette communauté dans la société guyanaise et de ses difficultés d’intégration...

Extraits d’une intervention de Eric Gallibour (Lapsac, Université de Bordeaux II) lors de la 3ème journée d’études doctorales sur la Caraïbe, 17 juin 2003

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